Nous avons échangé avant notre départ avec le directeur de recherche émérite au CNRS François FROMARD, botaniste et écologue spécialisé dans l'écologie des mangroves et rattaché au laboratoire ECOLAB. Auteur du livre Mangrove, Une forêt dans la mer, il nous a expliqué pourquoi la mangrove représente un écosystème unique et riche. Les mangroves sont des écosystèmes côtiers présents dans les zones tropicales et subtropicales, principalement le long des côtes marines et des estuaires. Elles sont situées dans les zones de balancement des marées appelée zones intertidales. Une eau salée à plus de 20 degrés toute l'année est une condition nécessaire à leur bon développement. Dans sa définition, François FROMARD insiste sur le fait que la mangrove est un socio-écosystème, il est construit par les personnes qui y vivent. Cela comprend les palétuviers (arbres qui la composent) mais également les vasières, les bras de fleuves, les chenaux de rivières, les pâturages, etc. Il existe deux zones géographiques distinctes qui ne partagent aucun espèce commune de mangrove: L'aire orientale (indopacifique + est de l'Afrique), la plus riche, qui recense une cinquantaine d'espèces de mangroves. L'aire occidentale (pourtour Atlantique + Amérique) qui recence une dizaine d'espèces. Si la mangrove ne se développe que dans une eau salée (à très peu d'exceptions près), elle n'aime paradoxalement pas le sel. Les palétuviers ont donc développé des adaptations pour survivre dans ces environnements salins et anaérobiques (avec peu d'oxygène). Parmi les adaptations les plus courantes, on trouve: Respiration de la mangrove: les palétuviers possèdent des racines-échasses appelées pneumatophores. Elles peuvent récupérer l'air par des fentes dans leur écorce appelées lenticelles. Le gaz est stocké dans les racines de manière à assurer la respiration même lorsqu'elles sont submergées à marée haute. Excrétion du sel: la mangrove se protège de la salinité soit en bloquant le sel au niveau racinaire (membranes actives) soit le sel pénètre dans la sève brute puis est excrété au niveau des feuilles (cristaux de sels) en fonction des espèces. La mangrove, véritable interface entre la terre et la mer, fournit d'importants services écosystémiques. En effet, en plus de fournir des ressources économiques aux populations locales par l'intermédiaire de la pêche ou du bois, elle a plusieurs fonctions écologiques précieuses: Protection côtière: les racines agissent comme une barrière naturelle contre l'érosion côtière et les tempêtes. Filtre naturel: filtration des sédiments et des polluants avant qu'ils n'atteignent les récifs coralliens et les prairies d'herbiers marins. Productivité biologique / Nurserie: elle fournit des nutriments et de la matière organique à la chaîne alimentaire marine et abrite une biodiversité exceptionnelle. Elle sert d'habitat à de nombreuses espèces animales et végétales, y compris des oiseaux, des poissons, des crustacés, des mollusques et des reptiles. Les racines des mangroves fournissent également un abri essentiel pour les juvéniles de nombreuses espèces marines. Il a été estimé qu'environ 75% des poissons retrouvés dans le commerce soit passent du temps dans les mangroves, soit dépendent de chaînes alimentaires qui remontent à ces forêts côtières. (Source: Daintree Discovery Center) Capture du carbone: stockage d'importantes quantités de carbone dans leurs sols appelé carbone bleu. Les mangroves peuvent en effet stocker plus de 1 000 tonnes de carbone par hectare. Ce chiffre, 3 à 4 fois supérieur aux forêts tropicales ou tempérées, fait des mangroves l’un des écosystèmes forestiers les plus riches en carbone de la planète. Cette particularité est en grande partie due aux quantités de carbone que les mangroves stockent dans leurs sols, qui représentent entre 50 et 98 % des stocks de carbone de cet écosystème. La faible teneur en dioxygène permet un ralentissement de la décomposition de la matière organique, empêchant les émissions de CO2 et favorisant l’enfouissement du carbone contenu dans les sédiments. (Source: Daniel Donato, 2011, Mangroves among the most carbon-rich forests in the tropics, Nature Geosciences) La zone tropicale du nord Queensland possède l'une des plus grandes diversités d'arbres et d'arbustes de mangroves du monde. En effet, on compte plus de 35 espèces différentes dans la région. Nous les retrouvons le long du littoral, de la Daintree River et même dans les zones urbaines comme Cairns. Nous aborderons dans le documentaire le rôle précis de cet écosystème, réel filtre liant la forêt de Daintree à la Grande Barrière de corail ainsi que les menaces et les solutions possibles pour les protéger. En effet, les mangroves observées sur place sont parfois longées par des parcelles agricoles (cultures de cannes à sucre majoritairement) et les fortes et nombreuses pluies emportent les pesticides dans leurs ruissellements jusqu'à la rivière. Pour éviter que le carbone stocké ne retourne dans l'atmosphère, il est urgent de protéger ce précieux écosystème.
Daintree.mov
Un documentaire pluridisciplinaire sur la rencontre entre la plus vieille forêt du monde et la Grande Barrière de corail.
Réussi
55
Contributions
29/12/2023
Date de fin
4 395 €
Sur 4 000 €
110 %
Les publications
Il y a énormément à dire sur la forêt de Daintree et nous ne voulons pas trop empiéter sur le contenu du documentaire. Ainsi, nous avons choisi d'aborder la forêt sous le prisme de ses records. Daintree accueille 65 % des espèces de chauves-souris et de papillons présentes en Australie. On compte parmi celles-ci le papillon Ulysse, véritable emblème de la région ! Avec une surface d'environ 1200 km2, Daintree est la plus grande forêt tropicale continue d'Australie. Elle se divise en parc nationaux, propriétés privées, refuges de nature et terrains reservés au peuple autochtone Kuku Yalanji (les gardiens ancestraux du lieu). C'est aussi grand que certains petits pays tel que Malte et la majeure partie de la forêt est tellement dense qu'elle est absolument inaccessible. Plus de 70 espèces animales et de 700 espèces végétales vivent seulement dans la région de Daintree et nulle part ailleurs. Parmi ces espèces endémiques, nous retrouvons le kangourou arboricole et le casoar à casque, autre star de la forêt ! Nous avons eu la chance d'observer ces oiseaux géants à plusieurs reprises lors de nos escapades en forêt et c'est toujours un moment privilégié. Daintree est la plus vieille forêt humide du monde. Sa formation est antérieure à la séparation des continents et son âge est estimé à quelques 130 millions d'années ( à titre de comparaison, l'Amazonie n'a "que" 55 millions d'années ). Elle renferme les vestiges de la grande forêt du Gondwana qui recouvrait l'Australie et une partie du continent Antarctique. Ses vestiges sont une mine d'information d'une importance capitale pour retracer l'histoire de nombreuses espèces.
La région de Daintree est unique car c'est le seul endroit au monde où deux sites inscrits au patrimoine mondial de l'humanité se rencontrent. Si la forêt de Daintree est plutôt résiliente face aux changements climatiques, la Grande Barrière de corail, elle, rencontre plus de difficultés et est aujourd'hui fortement menacée. Nous avons eu la chance de rencontrer Paul Myers qui travaille pour l'organisation à but non lucratif Great Barrier Reef Legacy. Il a pu nous partager les principaux enjeux autour de cet écosystème classé merveille naturelle du monde. La Grande Barrière de corail est aujourd'hui victime d'un cinquième épisode de blanchiement massif en huit ans. Ces épisodes sont causés par le réchauffement des océans dû au dérèglement climatique. Le blanchiement est le résultat du stress provoqué par ces chaleurs aux coraux. Ils expulsent alors les algues qu'ils contiennent qui sont responsables de leur couleur et qui les nourrissent en nutriments. Si ces épisodes persistent dans le temps, les coraux finissent par mourir. Or, 25% des espèces mondiales marines sont plus ou moins directement liées à la Grande Barrière de corail. Elle représente également un puits de carbone important et limite l'érosion des côtes en absorbant l'énergie des vagues, d'où l'importance de la protéger. En plus de projets de recherche et de surveillance, Great Barrier Reef Legacy mène un projet nommé "The Forever Reef Project". Le but est de collecter et protéger 415 espèces de coraux afin d'en garder des échantillons en cas d'extinction massive. Nous avons pu découvrir les bassins où reposent 179 espèces de coraux différentes dans les locaux de l'aquarium de Cairns. Malgré ce projet qui semble se préparer au pire, Paul a su nous transmettre son espoir quant au futur concernant la Grande Barrière de corail. Contrairement à la forêt, l'adaptation des coraux requiert plus de temps et de précaution. Afin d'observer cet incroyable écosystème de plus près, nous avons passé une journée sur le récif à observer les plus beaux coraux et poissons de notre vie. Une journée hors du temps qui rappelle à quel point il est primordial de protéger cette nurserie marine. Nous sommes conscients de la chance que nous avons eu de découvrir la Grande Barrière en bonne santé, ce n'est malheureusement pas le cas partout.
Avant toute chose, nous tenons à nous excuser pour l'absence prolongée d'articles sur nos aventures, nous avons été pris dans la sprirale du documentaire ces derniers temps. Revenons deux mois en arrière, début mars lorsque la saison des pluies dans le nord de l'Australie sévissait encore. Nous arrivons enfin dans la région de Daintree après un long périple, non sans excitation ! Au hasard d'un post Facebook d'un certain Peter, nous tombons sur une opportunité qui marquera notre expérience ici. En effet, une association nommée BlazeAid recherche des volontaires dans la région de Daintree. Le but de cette association est d'aider les locaux de la région à réparer certains dégâts causés par le cyclone Jasper sur leurs propriétés. Nous sautons alors sur l'occasion car cela nous permettra de rencontrer des locaux et d'être sur le terrain quotidiennement. Ainsi, nous pourrons mieux comprendre les enjeux qui règnent autour de la région de Daintree, surtout après ce fameux cyclone. Ce cyclone, parlons-en. Le 18 décembre 2023, la pointe nord-est de l'Australie a été frappée par la tempête la plus humide jamais enregistrée en Australie avec près de 2,3 m de pluie tombée cette nuit là. Ces précipitations ont entraîné un débordement de la Daintree River hors de son lit de plus de 14m et d'importants dégâts s'en sont suivis comme vous pouvez l'imaginer. Véhicules, clôtures et même habitations ont été emportés ou déteriorés dans la vallée... une bien triste nuit. Lors de nos travaux avec BlazeAid, nous avons justement pu aider certains fermiers à reconstruire et nettoyer leurs clôtures et leur maison. Nous avons aussi contribué à la plantation de plus de 600 arbres le long de la rivière pour aider à stabiliser un terrain contre l'érosion. Deux mois riches en enseignements et en rencontres au cours desquels nous avons été au contact de volontaires du monde entier et d'australiens "pure souche". Faire du volontariat pour BlazeAid nous aura ouvert de multiples opportunités comme la découverte de lieux privés de la forêt, la rencontre d'intervenants pour le documentaire et surtout un bon nombre d'anecdotes... à découvrir dans le documentaire !
Lors de notre remontée de la côte est australienne, nous avons eu la chance de rencontrer de nombreuses espèces, diverses et variées. Le kangourou Emblèmes du pays, les kangourous sont présents en nombre sur le continent australien. On compte à peu près deux kangourous pour un habitant à savoir 50 millions de marsupiaux. Il existe 55 espèces de kangourous et de wallabies qui diffèrent par leur taille ou la couleur de leur pelage. Voici un kangourou gris observé dans le parc national de Carnarvon Gorge dans le Queensland. Le koala Beaucoup moins présent que le kangourou, le koala se mérite. Une grande partie des koalas fût décimée lors des incendies qui ont frappé l'est du pays en 2019. Plutôt paresseux, le koala dort près de 20h par jour... une inactivité qui ne facilite pas sa traque tant son pelage se fond avec l'écorce des eucalyptus dans lesquels il loge. Il aura fallu nous éloigner des sentiers et lever la tête pendant de longues heures avant notre première rencontre avec cet animal endémique sur Magnetic Island au large de Townsville. Nous sommes restés plantés silencieusement de longues minutes, à une dizaine de mètres, à le regarder dormir. C'est au bout d'un certain temps que Louise se rend compte qu'il est accompagné d'un petit, plus haut dans les branches. Le casoar à casque Aussi rare que dangereux, le casoar à casque peut mesurer jusqu'à 1m80 et peser jusqu'à 75 kg. Il est capable d'éliminer n'importe quelle proie avec ses trois griffes, aussi tranchantes que des rasoirs sur chaque patte. Bien que menaçant, il se nourrit principalement de fruits dont la digestion permet la reproduction des arbres fruitiers de la région. En effet, il est l'une des rares espèces à disperser d'aussi grosses graines sur d'aussi longues distances. Il est donc un maillon essentiel de la diversité de la forêt de Daintree. Territorial mais docile à l'égard d'une dame vivant aux abords de la forêt, nous avons pu l'approcher à quelques mètres alors qu'elle lui donnait une banane. Cette femelle avait pour habitude de venir prendre son goûter chez l'habitant. Les fruits se font rares dans la forêt suites aux récents évènements climatiques, notamment le cyclone Jasper qui a frappé le Queensland en décembre dernier. C'est non sans trembler que nous avons pu prendre quelques clichés de ce casaor à deux mètres de nous tout au plus... un moment inoubliable.
Après ces quelques jours passés à Sydney, l'aventure peut enfin commencer ! Départ pour le parc national des Blue Mountains (qui doit son nom aux essences volatiles des eucalyptus qui compose la fôret et lui confère une teinte bleutée). L'occasion pour nous d'expérimenter le camping en forêt et l'exploration. Nous avons pu observer l'ensemble du parc national depuis les nombreux points de vue culminant sur les montagnes entourant le parc, et nous avons également pu nous enfoncer dans la forêt dense dans la vallée. Une randonnée bien escarpée nous a emmené au pied des Leura Cascades où nous avons pu profiter des bassins pour nous baigner dans un cadre magnifique. Actuellement, nous travaillons dans les vignobles de la Hunter Valley où nous participons aux vendanges.
Début du périple pour nous en ce mercredi 10 janvier, nous venons d’arriver à Sydney ! Nous avons réservé quelques nuits en auberge de jeunesse le temps de nous acclimater avant de remonter la côte est de l’Australie vers la forêt de Daintree équipés de notre nouveau materiel. L’occasion pour nous de tous vous remercier pour votre soutien qui nous a permis de l’acquérir ! Nous publierons sur cette page les avancées du projet, vous pourrez également suivre notre aventure sur instagram @daintree.mov.