Je m’appelle Kamel Moussa. Je suis belgo-tunisien, résident à Bruxelles. Photographe documentaire, mes projets explorent les notions d’identité et d’appartenance. Je privilégie les travaux de longue durée en immersion totale dans leur milieu social.

Je suis né et j’ai grandi dans le sud-est tunisien. A l’âge de 20 ans, je suis parti pour l’Europe. J’ai vécu six ans à Paris et depuis dix ans, je vis à Bruxelles. En Tunisie, la photographie était pour moi le moyen de m’exprimer dans le cadre d’une dictature où j’ai grandi pendant vingt ans. Elle me permettait de m’évader et de m'ouvrir à d'autres mondes possibles.

Mon projet intitulé Équilibre instable, réalisé en Tunisie durant 5 ans entre 2012 et 2017, est parti d’un ressenti sur les bouleversements qui secouaient mon pays. J’ai observé les nombreux changements qui s’opéraient. Notamment du côté des jeunes Tunisiens. Ce sont eux qui ont fait la révolution, qui ont manifesté, qui ont fait circuler des vidéos sur les réseaux sociaux. J’ai le sentiment qu’ils sont maintenant les perdants de cette révolution et j’ai trouvé essentiel de vouloir témoigner de leur situation.

J’ai voulu mettre au jour leur fragilité et leur précarité. Cette génération, actrice du printemps arabe, en est devenue la principale perdante. Désenchantés, ces jeunes sont inquiets, en attente, tendus. Victimes de cette histoire qui les dépasse désormais.

Le Bec en l’air éditions, dirigé par Fabienne Pavia à Marseille, et ARP2 éditions, dirigé par Joël Van Audenhaege à Bruxelles, ont décidé de copublier « Équilibre instable » et de lui assurer une diffusion en librairie. Ensemble nous espérons que le projet trouvera sa place dans les principaux événements liés à la photographie contemporaine. Le livre est accompagné d'un texte de Jean-Marc Bodson (photographe documentaire, enseignant et critique photo à La Libre Belgique), d'un texte que j'ai écrit moi-même et de témoignages que j'ai collectés auprès de jeunes Tunisiens ayant tenté de migrer vers l'Europe. Ces textes sont bilingues (français et anglais).

"Équilibre instable" sortira en novembre 2018 à l’occasion de ma prochaine exposition à Bruxelles, qui aura lieu à la galerie Contre-Type du 14 novembre 2018 au 13 janvier 2019.

Extrait du texte que Jean-Marc Bodson a écrit pour “Equilibre instable“ :

“…Le temps passe et dans notre imagier collectif, la révolution tunisienne reste donc ce formidable élan d'espoir des mouvements de rue. Un cliché figé de plus en plus en décalage avec ce que vivent les gens aujourd'hui. Pour déjouer le piège de cette stéréotypie monolithique, Kamel Moussa propose ici des photographies qui renouent avec la complexité et partant, le doute. À travers des portraits en situation, réalisés avec la complicité des protagonistes, il nous initie à une géographie intime de son pays, tout en nuances, à rebours des certitudes formatées des photos emblématiques. Cela ne veut pas dire qu'il a tenté d'esquiver la part symbolique inhérente aux images — comment cela se pourrait-il d'ailleurs ? — mais plutôt qu'il a voulu la raviver en lui donnant d'autres formes que celles recuites de l'imagerie religieuse occidentale reconduite par un demi siècle de photojournalisme humaniste…“

Equilibre Instable : le livre