RESTAURATION D'UN PARAVENT DE COROMANDEL DU XVIIIe SIECLE

C’est au récit d’une belle histoire que nous vous convions... celle du paravent de Coromandel, joyau des collections asiatiques du musée des Beaux-Arts de Dijon. Tous les ingrédients romanesques sont réunis : l’effet de surprise en guise de prologue avec la redécouverte du paravent dans les combles du palais, la grande histoire de Chine et un héros, le général Guo Ziyi, la passion pour l’art, celle évidemment d’un collectionneur dijonnais, Jehannin de Chamblanc, mais aussi de Catherine, de Linda… Et enfin, le dénouement ou plutôt son suspense : Grâce à vous, le magnifique paravent de Coromandel sera-t-il restauré ? Au fil de votre lecture, durant cinq semaines, vous le découvrirez ! Détail paravent à huit feuilles, Chine, XVIIIe siècle, bois, laque de « Coromandel » (décor gravé et coloré dit Kuan cai), polychromie, dorure, musée des Beaux-Arts de Dijon, inv. CA 1631-1 à 8. © Groupement Anne Jacquin (en cours d'étude préalable à la restauration). La redécouverte dans les combles du Palais des ducs et des États de Bourgogne Le chantier de rénovation du musée des Beaux-Arts, et plus spécifiquement les travaux dans les combles du Palais, a permis de retrouver deux grands paravents à décor de laque de Chine, qui figuraient dans le catalogue du musée de Dijon de 1883, mais n’étaient pas localisés comme tels. L'historique de ces deux œuvres est alors retracé grâce aux archives : les deux paravents proviennent du « cabinet chinois » que le parlementaire dijonnais Jean-Baptiste Jehannin de Chamblanc (1722-1797) a fait aménager dans son hôtel particulier du 33, rue Jeannin, autour des années 1760-1770 ; avec l'ensemble de la collection d’œuvres d'art de Jehannin de Chamblanc, ces deux paravents ont été saisis à la Révolution et ont la particularité de rejoindre définitivement le musée en 1826. Au cours de leur histoire, les deux paravents ont manifestement souffert de conditions de conservation très inadaptées à la fragilité de leur technique. Le second paravent a, quant à lui, conservé son intégrité matérielle, déployant encore aujourd'hui son extraordinaire décor de gravure et de couleurs, caractéristique des laques polychromes dites de "Coromandel" (en référence aux ports de cette côte du sud-est de l'Inde par lesquels transitaient les marchandises chinoises exportées en Europe) est remarquable. Les huit panneaux ou "feuilles" du paravent (hauteur 135,5 cm x longueur totale 344 cm) sont bordés d'une frise de délicats motifs floraux et s'animent d'un riche panorama, peuplé d'une centaine de figures : cette vibrante scène de palais commémore l’arrivée d’une délégation et les festivités organisées en l’honneur du Général Guo Ziyi 郭子儀 (697-781) des Tang. Le revers du paravent se signale au, contraire, par la sobriété d'un fond monochrome de laque noire. La restauration du paravent En 2020, une étude préalable été menée par une équipe de trois restauratrices spécialistes des laques asiatiques, afin de préciser les différentes techniques mises en œuvre, de recenser les altérations et d'en comprendre les causes, d'évaluer l'importance d’éventuelles restaurations anciennes sur ce paravent. L'examen structurel des panneaux (autrefois reliés par des charnières) a montré qu'ils avaient été dissociés pour être montés et encadrés en boiserie dans le cabinet de l’amateur djionnais au XVIIIe siècle. Mais, plus largement, cette mission a permis de confirmer la très grande valeur patrimoniale de l’œuvre, en raison de l’exceptionnelle finesse des décors chatoyants et de sa grande « authenticité » tant matérielle qu’esthétique : l’oubli dans les combles du Palais a sans doute évité que le paravent soit restauré de façon très interventionniste et peut-être intégralement "verni", comme l'ont été souvent ces laques dans la première moitié du XXe siècle. Aujourd'hui, le décor du paravent est extrêmement fragilisé : les assemblages des panneaux et surtout les mouvements du bois sont à l'origine de soulèvements de la laque, qui se "déplaque" du support par endroits. Une restauration fondamentale s'impose pour stabiliser l'état de conservation du paravent et le consolider pour les générations futures ! Cette intervention à la fois structurelle et de délicat nettoyage des surfaces nécessite près de 80 jours d'un travail extrêmement minutieux en atelier. Catherine Tran-Bourdonneau, conservatrice, et Linda Berger, restauratrice, en pleine discussion d'atelier... © François Jay Le paravent de Coromandel, pièce-maîtresse de l’exposition À portée d'Asie. Collectionneurs, collecteurs et marchands d'art asiatique en France (1750 – 1930) En partenariat avec l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et dans le cadre du programme de recherche "Collectionneurs, collecteurs et marchands d'art asiatique en France 1700-1939", le musée des Beaux-Arts de Dijon présentera, du 20 octobre 2023 au 22 janvier 2024, une exposition retraçant l’histoire de la présence des objets asiatiques en France de la seconde moitié du XVIIIe siècle aux premières décennies du XXe siècle. Ce projet ambitieux a obtenu le label “exposition d’intérêt national” décerné par le ministère de la Culture. En amont de cette exposition, la collecte de fonds pour la restauration du paravent vient tisser les premiers liens avec les publics et donne un avant-goût de ces collections asiatiques bien méconnues du musée de Dijon, à découvrir amplement à l’automne 2023. Une belle invitation à l’ailleurs et à la découverte ! Vous aussi, devenez mécène #AporteedAsie